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mercredi 14 juin 2017 à 19h

Séminaire Conséquences

« De l'autonomie politique »

avec Jérôme Baschet et Laurent Jeanpierre (discutant)

Depuis plusieurs séances, un même diagnostic de la séquence politique semble s'imposer : le modèle traditionnel de la politique d'émancipation, qu'on peut appeler génériquement le léninisme, est entré en péremption. Qu'on parle de « distance », de « destitution » ou que l'on prône la « machine de guerre » et la « transversalité », les questions - souvent insolubles - qui hantent notre génération sont largment identiques : comment s'organiser sans le Parti ? Comment faire communauté sans se soumettre à une idéologie unique ? Comment exercer une contrainte à l'endroit de l'Etat en refusant d'intégrer son espace réglé ? Comment élaborer une discipline collective sans autoritarisme ? Comment répandre l'offensive en évitant les écueils de la militarisation ? Comment même rester révolutionnaire une fois que l'on a abandonné le fétiche du Grand Soir ?

Le travail de Jerôme Baschet s'intègre à un tel horizon de questionnement. La richesse de ses vues et des propositions qu'il avance tient au fait que sa pensée est indissociable du combat zapatiste qui continue aujourd'hui à affronter ces difficultés. Sans pouvoir livrer des réponses définitives dont la validité serait universelle, J. Baschet montre que le recours à l'expérience zapatiste libère surtout la certitude qu'un trajet qui nous mène hors du monde de l'Economie vers un autre monde tendanciellement soustrait à l'autorité étatique peut s'esquisser dès aujourd'hui :

« Nous avons été trop habitués, particulièrement en France, à tenir l'Etat pour la seule forme possible du bien commun et à voir en lui l'instrument privilégié de la transformation sociale. Le modèle classique de révolution est celui du Grand Soir, qui place au centre de toutes les visées stratégiques la conquête du pouvoir d'Etat (…) L'EZLN a été conduit, par sa propre trajectoire, à une critique en acte du « modèle à deux temps » de la révolution et un rejet de la perspective de la conquête du pouvoir étatique . En outre, l'analyse de l'Etat national devenu, en ces temps néolibéraux, un « lieu vide », un « hologramme », n'a fait que renforcer la féroce dénonciation d'une action transformatrice engagée dans le champ de la politique institutionnelle (« Tous se fixent un objectif politique impossible : maintenir, sauver ou régénérer les ruines de l'Etat national » Sous-commandant Marcos) (…) Les zapatistes nomment autonomie, cet effort de construction qui rend tangible, dès à présent, un autre monde possible. Par autonomie, on entendra l'imbrication indissociable d'une perspective collective d'émancipation et de modalités non étatiques du politique. De ce fait, on ne pourra aborder les formes du politique indépendamment d'une perspective plus large impliquant la transformation des manières de vivre. C'est d'un même mouvement que peut s'accomplir la sortie du monde de l'Economie et l'abandon des logiques d'Etat (…) « L'autonomie est la construction d'une nouvelle vie ». »

« L'autonomie, ou l'art de s'organiser sans l'Etat », Misère de la politique, Divergences, 2017.

Jérôme Baschet est ancien élève de l'Ecole normale Supérieure de Saint-Cloud et ancien membre de l'Ecole française de Rome. Sa thèse de doctorat, dirigée par Jacques Le Goff, était consacrée aux représentations médiévales de l'enfer (Les Justices de l'au-delà). Depuis 1990, il est maître de conférences à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, et depuis 1997, il enseigne également à l'Universidad Autónoma de Chiapas, à San Cristóbal de Las Casas.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/55754
Source : message reçu le 9 juin 19h