thème : international
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dimanche 25 mars 2018 à 19h

Dans le cadre de la Semaine anticoloniale

Projection débat « Bengal Shadows »

Les Ombres du Bengale

Documentaire sur la famine de 1943 au Bengale

Projection publique & Rencontre-débat avec Joy Banerjee et Mogniss H. Abdallah

animé par Mouloud Weber (Tout au fond près du radiateur, émission sur Radio FPP)

plus de 3 millions de morts - et sur la responsabilité du pouvoir colonial britannique, alors dirigé par un Winston Churchill aux relents racistes, en particulier à l'égard des Indiens.

En 1943, au Bengale, va se dérouler l'un des épisodes les plus sombres, mais méconnu, du front oriental de la seconde guerre mondiale : à Calcutta, capitale jusqu'en 1911 de l'Inde (colonisée depuis le milieu du XVIIIème siècle par les Britanniques), des dizaines de milliers de paysans vont mourir de faim sur les trottoirs de la ville. Dans les campagnes, sévit une terrible famine. Au total cette année -là, au Bengale occidental et dans l'actuel Bangladesh, entre 3 et 5 millions de personnes ont été emportées par une famine qui d'après de nombreux historiens anglais et indiens aurait pu être évitée.

Ce drame va naître d'un enchainement d'événements suite au déclenchement de la seconde guerre mondiale. Les Anglais recrutent massivement des soldats indiens. 200 000 avant la guerre, ils seront bientôt deux millions et demi, envoyés sur différents fronts, dans le nord de l'Inde, au Moyen-Orient et jusqu'en Europe. Avec les millions de soldats indiens et britanniques à nourrir et l'effort de guerre à soutenir, la pression sur les ressources de la colonie devient très forte et la situation alimentaire commence à se dégrader...

Après l'attaque surprise de Pearl-Harbour, l'armée japonaise cumule les victoires militaires (Philippines, Malaisie, Singapour…) et se rapproche des frontières de l'Inde, tandis que le mouvement « Quit India », lancé par Gandhi et le parti du Congrès réclame l'indépendance immédiate. Un autre leader nationaliste, plus radical que Gandhi et des membres du Congrès, va prendre les armes et menacer directement les Anglais : Netaji Subhas Chandra Bose.

Ce Bengali décide de partir en exil pour combattre les Anglais et, pour cela, va même aller chercher du soutien auprès des Allemands et leurs alliés japonais.

Depuis leur cabinet de guerre, le premier ministre Winston Churchill et plusieurs de ses conseillers ordonnent de mettre en œuvre une politique de la terre brûlée au Bengale qui va jouer un rôle important dans le déclenchement de la famine. Cette politique va toucher tout le Bengale rural. La région de Midnapur, située à une centaine de kilomètres de Calcutta, a été particulièrement visée, car la révolte contre les Anglais y était forte et parce qu'elle est située au bord de l'océan indien et donc vulnérable en cas de débarquement japonais. Des bateaux indiens sont confisqués ou détruits, l'infrastructure des transports démantelée : deux tiers des 66000 bateaux enregistrés au Bengale ont été rendus inutilisables. A cela, il faut ajouter les conséquences du cyclone d'octobre 1942, qui a tué plus de 40 000 personnes, détruit les récoltes et le bétail des régions côtières, et a laissé des centaines de milliers de personnes sans abri et sans nourriture…

Devant l'ampleur de la catastrophe qui commence à s'ébruiter à travers le monde, une aide internationale arrive petit à petit vers la fin de l'année 1943. Très tard et de façon trop insuffisante, d'autant que les Britanniques réquisitionnent d'abord navires et cargaisons pour approvisionner en priorité l'Angleterre et ses alliés. « Britannia rules the waves » s'enorgueillit l'hymne impérial. Derrière la figure héroïque du « lion » indomptable, Winston Churchill apparaît ainsi sous un jour moins glorieux dans sa conduite envers les Indiens, ces « 300 millions de primitifs » qui « se reproduisent comme des lapins », sous-entendant qu'ils seraient ainsi eux-mêmes responsables de la famine.

Le cynisme de Churchill, ses propos racistes, retiendront l'attention d'historiens, anglais ou indiens. Dans son livre « Churchill's Empire » (Macmillan 2010), Richard Toye, de l'université d'Exeter en Angleterre, rappelle la propension de Churchill à animaliser les populations indigènes tout au long de sa gouvernance coloniale : « Je hais les Indiens. Ils constituent un peuple bestial avec une religion bestiale », a-t-il ainsi déclaré. Irlandais, Kurdes, Soudanais, Mau-Mau au Kenya, mais aussi résistants communistes grecs, ont également été confrontés à sa brutalité impériale.

En 2010, la chercheuse Madhusree Mukerjee publie « Churchill's Secret War. The British Empire and the Ravaging of India during World War II », un livre de référence sur cette famine de 1943 au Bengale, qui sortira en français sous le titre « Le Crime du Bengale - La part d'ombre de Winston Churchill ( Ed. Les Nuits rouges, 2015). Son expertise constitue un des fils conducteurs du documentaire Bengal Shadows / Les Ombres du Bengale. D'autres historiens indiens, tels que Rudranshu Mukerjee, Shusnata Das ou Subhir Sinha (SOAS - Londres), apportent leur éclairage sur la politique coloniale de Churchill, qui s'est malheureusement aussi appuyé sur quelques négociants véreux et collabos bengalis qui ont réalisé des profits pendant la famine.

Les réalisateurs Joy Banerjee et Partho Bhattacharya - vivant en France - ont aussi recueilli sur place des témoignages exclusifs, poignants, de personnages aujourd'hui âgés qui ont vécu ces événements dramatiques. 70 ans après l'indépendance de l'Inde, la mémoire de Jhorna Bhattacharya, militante communiste, de Chitta kumar Samonta, ancien combattant, ne s'est pas dissipée. Elle reste intacte, précise.

Des œuvres d'artistes, tels les dessins de Chittoprosad Bhattacharya, les peintures de Zainul Abedeen, ou encore « Distant Thunder (Tonnerre Lointain) », film de Satyajit Ray avec l'acteur Soumitra Chatterjee qui témoigne dans le documentaire, ou encore des chansons telles que « Dhakar Daak », contribuent à leur manière au renouveau d'une mémoire collective qui s'inspire encore de la famine du Bengale en 1943.

Aujourd'hui, des universitaires, des militants ou des hommes politiques indiens comme Shashi Tahroor, auteur du livre « Inglorious Empire - What the British did to India » (Hurst & Co - 2017), réclament réparation. Leurs recherches sur une « man-made » famine, littéralement « fabriquée par l'homme », peuvent aussi alerter sur ce qui se passe ailleurs dans le monde aujourd'hui-même, comme par exemple au Yémen où des millions de personnes subissent actuellement maladies et famine, conséquences directes du blocus militaire et de la guerre menée par le pouvoir saoudien avec le consentement des anciennes puissances coloniales.

Bande-annonce de « Les Ombres du Bengale » en VF : https://www.facebook.com/BengalShad...

Version courte de « Bengal Shadows » en version anglaise, avec une introduction de Tariq Ali, dans le cadre de l'émission « The World today with Tariq Ali » :

https://www.youtube.com/watch?v=K-h...

Page Facebook pour « Les Ombres du Bengale » : https://www.facebook.com/BengalShadows/

Entretien avec le réalisateur Joy Banerjee, diffusé le 9 mars 2018 sur Radio FPP, dans l'émission Frontline, et disponible en ligne : http://www.bboykonsian.com/Emission...

Saint-Sauveur 11 rue des Panoyaux, 75020 Paris - Ménilmontant

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/60843
Source : http://www.anticolonial.net/spip.php?article3…